Le potentiel de victoire est certain. Déjà en 2009, il s'était magistralement emparé du titre de champion du monde amateur ISA 2009, au cours d'une compétition longue et éprouvante, aux allures de jeux olympiques du surf. Le talentueux tahitien Hira Terrinatoofa avec qui nous avons travaillé avait remporté cette épreuve en 2004, sans pour autant arriver, par la suite, à percer dans la jungle du World Qualifying Tour, championnat qui mène au très recherché World Championship Tour. Johan Duru, autres espoir professionnel français, brillant vainqueur du WQS Lacanau pro 2009, souvent en quart de finale sur les autres épreuves WQS, n'avait pas réussit, d'une cruelle place, à se qualifier pour le WCT 2010. Il est vrai que se qualifier sur le WCT est déjà une très grande performance qui nécessite combativité, régularité, victoires, patience, et un peu de chance au cours de certaines séries cruciales. C'est dire le talent, l'expérience et le mental que Jérémy Flores possédait déjà à 19 ans quand il intégra le WCT. Il faut féliciter son staff (Notamment Yannick Beven), et l'encadrement de la Fédération Française de Surf qui l'accompagne.

Jeremy Flores avait donc fait le plus dure en se qualifiant pour le WCT, et pouvait s'appuyer sur une victoire symbolique aux Jeux Olympiques du Surf.

L'année 2010 a tout simplement été remarquable, puisqu'il finit 9ieme aprés avoir manqué sur blessure une partie du début de la courte saison (10 epreuves). Dés son rétablissement il se manifesta souvent en quart de final, jusqu'à finir 3ieme au Billabong Pro Tahit, après avoir éliminé Mick Fanning, champion du monde WCT 2009. La victoire à la dernière compétition du tour clôt ainsi une année tubulaire.

Interviewé suite à sa prestigieuse performance Hawaïenne, il explique son vécu victorieux : - J'étais confiant dans ma technique dans le tube à Backdoor (Pipeline déroule à gauche, Backdoor à droite, Jérémy précise donc une confiance technique et contextuelle, réaliste et beaucoup plus précise qu'un sentiment global) - Au matin j'avais un bon feeling, j'étais bien, que des bonnes vibrations. Il exprime ainsi une capacité à ressentir un enthousiasme pré compétitif dans l'ici et maintenant, alternant une flexibilité dans ses styles attentionnels, d'une concentration interne large et positive, à une concentration externe orientée vers des vibrations positives choisies : celles de son proche entourage. - "Comme la série durait quarante minutes, je me suis dit que cela ne servait à rien de stresser trop vite". Voilà une démarche analytique qui lui permet un cadrage du timing de la série, et une préparation objective de sa pensée par rapport à celle ci, et de ce qui peut se passer. - "La demi finale contre Kelly Slater, j'ai vécu la série comme une finale. Battre Kelly dans un backdoor parfait, c'est comme gagner une compétition". Puisqu'il a ensuite gagné la réelle finale, Jérémy nous décrit un exemple parfait de voyage mental entre imaginaire et réalité. Il a su se construire un nécessaire imaginaire pour gagner la demi finale, lui permettant de hisser son surf à son meilleur niveau et surtout d'attendre et d'agir "ici et maintenant" sur LA vague, qui est arrivée à 2mn de la fin de la série. Sans doute aussi que une fois sur le sable, la phrase de Kelly Slater, sympathiquement glissé dans l'oreille "je sais que tu vas gagner" l'a aidé à se replonger dans la réalité : la finale, justement, ne s'est pas encore produite. Il l'a gagné avec encore une fois, calme, patience, perfection et sans doute plaisir de glisse.

Le meilleur est pour la fin : - j'ai franchi une étape. Mais Pipeline, c'est juste une compétition, voir LA compétition comme il le dit à chaud au début de l'interview. Pour devenir champion du monde, il faut gagner plusieurs manches dans une saison. Comme je m'entraine beaucoup, et si je reste comme je suis, je peux y arriver. Je suis sur la bonne voie, dans ma tête, je sais que j'en suis capable. Gagner est ici perçu non comme un aboutissement, mais comme le franchissement régulier et normal d'étapes en vue de totaliser le maximum de points sur une année, pour être déclaré Champion du Monde. C'est un peu le même vécu qu'un néo international de tous sports peut ressentir : l'objectif ce n'est pas d'être sélectionné en équipe de France ( étape qui peut déjà être perçu comme un aboutissement) mais d'être stimulé par un niveau international, pour donner le meilleur de soi, pour se découvrir, et pour enrichir son identité sportive, d'une dimension mondiale. La vision de la gestion par les objectifs peut se définir comme une dynamique mentale progressive, entre imaginaire et réalité, entre contre performances et performances, une expérience tubulaire, entre vie et mort sportive.

Concluons par les enseignements d'un guide de haute montagne anonyme : 3 touristes sont en face de lui. Ils lui demandent de les accompagner dans la montée de l'Everest. Le guide demande "Quel est votre objectif?" Tous en coeur ils répondent "Arriver au sommet bien sur". Le guide reste silencieux. Ils ajoutent alors "nous sommes motivés, en forme, équipés, et nous vous paierons le prix demandé. Le guide s'exprime alors "hummm désolé, je ne suis pas l'homme de la situation, vous faites fausse route, et vous êtes en danger...". Interloqués, les touristes lui proposent alors de tripler la prime. Le guide les regarda dans les yeux " Vous n'y êtes pas, la vie n'a pas de prix et l'argent n'est pas mon moteur, je vous préviens toutefois : si votre objectif est d'arriver au sommet, vous aller souffrir, il y aura des risques, et sans doute du bonheur au bout. Oui c'est possible, par contre, le plus dure voir le plus dangereux sera de descendre, parce que vraisemblablement vous ne vous êtes pas préparé à cela, et je ne souhaite pas redescendre seul.

Jeremy, nous te souhaitons bien sur d'être un jour champion du monde, une chose est sure, ce jour là tu auras les pieds...sur le sable!

everest