Nous avons proposé une démarche d’accompagnement psychologique basé sur des tests (QPS Rugby Verger, questionnaire de Personnalité 16 PF, Débriefing de match), des entretiens, et l’apprentissage de technique de relaxation et d’imagerie interne, une à deux fois par semaine, pendant la durée des play off (Mars à mi-Mai 2006), dans lesquels les joueurs étaient engagés.

Notre premier travail consistait à identifier les différentes compétences essentielles au poste de talonneur et les aptitudes mentales sous-jacentes à ces compétences.

   * Etre un leader et « aller vers l’avant » (Communication orale, Recherche de solution, Agressivité, Anticipation, concentration)
   * Lancer en touche (Gestion du stress, Prise d’information, Sensation et Coordination kinesthésique, Synchronisation avec le mouvement collectif, Confiance en soi, replacement stratégique)
   * Organiser la mêlée (Coordination, Agressivité contrôlée)
   * Plaquer (Placement, Agressivité contrôlée)
   * Maintenir un effort permanent et gérer les erreurs et les performances (Gestion de l’ici et maintenant, Discours interne, Estime de soi, Attitude de compétiteur)

Nous avons commencé par travailler leur représentation de la compétition, leur manière de se préparer pour le Jour J, leur vécu intrinsèque, les satisfactions/insatisfactions liées à chaque domaine de leur poste ainsi que leur vécu rugbystique depuis leur plus jeune âge et leurs objectifs court terme (entraînements et objectif par match) moyen terme (l’année prochaine), long terme (professionnalisme ?).

Nous avons présenté les théories (Nideffer) de la concentration et les possibilités d’amélioration de la prise d’information selon les contextes. En parallèle, nous leur avons proposé une initiation aux techniques de relaxation et d’imagerie mentale (Weinberg, Hardy, Lecocq et Le Scanf) en se focalisant sur la touche, la mêlée et quelques actions sélectionnées par les athlètes. L’objectif était de réduire l’anxiété vécue lors de la touche, travailler le niveau d’activation et d’agressivité en mêlée, renforcer la confiance en soi, dédramatiser les croyances perturbantes et rechercher mentalement les actions et les attitudes qui provoquent particulièrement du plaisir à jouer. Nous avons ensuite accompagné les changements cognitifs liés à la prise de conscience des blocages, et entretenu la dynamique de progression, objectivée par les performances individuelles et les pourcentages de réussite des touches.

Le Bilan est très satisfaisant puisque les joueurs ont repris du plaisir à jouer, ont réalisé des matchs qu’ils ont jugés objectivement plus performants qu’à leur début de saison, et que la touche est devenue un point fort de leur jeu. L’entraîneur a de même confirmé les progrès réalisés. Cependant, à cause d’autres variables, les objectifs collectifs de l’équipe n’ont pas été atteints. L’un d’eux a signé dans un club de PRO D2, et le deuxième réfléchit et négocie entre une pratique professionnelle en PROD D2, ou une pratique amateur accompagnée par un emploi séduisant.

Ce qui nous a marqué à travers ce travail, c’est le rôle «ombre et lumière » du talonneur, vécu de manière plutôt inconsciente, et qui peut expliquer le stress généré par la responsabilité de la touche.

Le talonneur est en effet un joueur d’Ombre, de part sa position centrale en mêlée, cachée par ses partenaires et la rencontre frontale de l’opposition, mais aussi par son jeu de plaquage, souvent au milieu du terrain et masqué par la trentaine de joueurs qui se regroupent autour d’eux.

Le talonneur est par contre, tout comme le buteur, un joueur de Lumière. De par sa position lors de la touche, il se trouve en dehors du terrain, face à deux lignes parallèles composées de 4 à 7 joueurs, dans une position visible par tous. A ce moment précis, le talonneur est seul responsable de son geste technique et esthétique qui trouvera son efficacité dans sa coordination et sa synchronisation avec le mouvement collectif. L’éventuelle erreur est vue de tous, la réussite par contre est vite balayée par la mise en œuvre de l’action collective.

Ainsi, ce n’est qu’en endossant le maillot de lumière et en acceptant le vécu psychologique lié par cette position exceptionnellement hors du groupe, que le talonneur pourra intégrer cette dimension identitaire dans son jeu, et trouver de la satisfaction dans la réalisation de cette action atypique.